L'armée au pouvoir

Ce samedi 22 avril, Alger s'éveille lentement. Le ciel est pur. Une brume légère monte du port à l'assaut des collines. Il fera chaud. Les rues du centre sont fraîchement arrosées et exhalent un parfum de poussière mouillée. Dans les ficus les moineaux piaillent par milliers. Les terrasses des cafés où les garçons font le mastic sentent l'odeur du matin : café, croissants et blanc d'Espagne. A Bab-el-Oued et dans les quartiers populaires s'y ajoute l'odeur de la soubressade du casse-croûte. Les lève-tôt, descendus acheter le pain croustillant et la bouteille de lait frais, vont rapporter les premiers l'extraordinaire nouvelle aux foyers encore mal réveillés. Ceux de l'avenue de la Marne, de la rampe Valée, de la rue Borély-la-Sapie ont vu les paras affalés dans leurs jeeps place Jean-Mermoz, devant la caserne Pélissier. Ceux des beaux quartiers dont les façades ouvrent sur le Forum ont découvert le même spectacle devant le G.G. Et ceux de la rue de la Lyre ou de la rue Bab-Azoun ont vu la place du Gouvernement en état de siège. Partout des paras. Partout des bérets. Verts, rouges ou noirs. Des légionnaires et des commandos. Il se passe quelque chose à Alger.

La nouvelle fuse, court de quartier en quartier, de rue en rue, d'immeuble en immeuble. A Bab-el-Oued on se la crie de balcon à balcon. On allumé la radio. Pas de programme. De la musique militaire ! Pour les Algérois la musique militaire c'est bon signe ! Enfin une voix inconnue l'interrompt. Ici Radio-France, dit-elle. Le général Challe vous parle.»
L'armée au pouvoir. Le rêve d'Alger. Si souvent réclamé depuis le 13 Mai ! Le voilà réalisé ! Contenu par des mois de désespoir, l'enthousiasme déferle sur la ville. Spontanément les fenêtres se fleurissent de drapeaux, les rues européennes pavoisent. On sourit aux paras. On les embrasse. C'est la libération ! L'espoir retrouvé. Qu'elle est belle la ville, quand elle crie sa joie. Les trottoirs sont noirs de monde. On s'agglutine autour des jeeps militaires qui par haut-parleurs répètent les ordres des généraux. Les voitures civiles klaxonnent inlassablement. Trois brèves, deux longues. Al-gé-rie fran-çaise. Du haut des terrasses du G.G. où ils ont installé mitrailleuses et fusils mitrailleurs les bérets verts, allemands, yougoslaves, français, contemplent les gradins sublimes de la Ville blanche qu'ils viennent de prendre. Leurs officiers s'agitent. Vont et viennent entre le G.G., Pélissier où règne Godard et le quartier Rignot d'où Challe, Jouhaud et Zeller dirigent le putsch.

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